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Prèlude
Mémé Bouchard (née Bernier) était une jeune veuve durant la Grande Dépression. Elle avait déjà 6 enfants quand son mari fut emporté par la drave. Sa famille était un fardeau très lourd à porter.
Mémé Bouchard avait la chance d'avoir trois beaux pruniers pas trop loin. Elle avait aussi de la chance d'avoir Amédée, son plus vieux.
Amédée ne parlait presque pas.
Il hochait de le tête pour dire oui, constamment.
Il avait hérité du fusil de son père, à 10 ans, mais il utilisait surtout son arc, qu'il avait fabriqué lui-même. Les pointes de ses flèches étaient faites avec des os de porc-épic.
Amédée était un garçon plutôt solitaire.
Il était presque un étranger pour sa propre famille.
Il vivait dehors, dans la forêt.
Sauf en hiver quand il faisait très froid. Il rentrait à la maison.
Il pouvait rester à l'intérieur de la maison, près du feu pendant presque une semaine en hochant de la tête pour dire oui, même si personne n'osait lui parler.
Soudainement il poussait un hurlement, puis il disparaissait dans la forêt enneigée, mais toujours en refermant doucement la porte derrière lui.
Tout le monde avait peur d'Amédée au village, mais il n'a jamais fait de mal à personne. Amédée avait peur de tout le monde, et il avait peut être raison.
Amédée n'était pas bien avec les gens, car les gens disaient des choses avec leur bouches. Amédée ne pouvait comprendre ces mots. Il pouvait comprendre la forêt, en fait, il en faisait partie.
Il rapportait des carcasses d'animaux sur son épaule à la maison, prenait parfois un bain, mangeait, puis sortait dehors vivre sa vie. On ne savait pas qui il était, il ne le savait pas lui non plus.
Dans la forêt, Amédée cueillait parfois une feuille sur le sol et la reniflait.
Son regard devenait impénétrable.
Il voyait des choses qu'on ne reniflera jamais.
Il était brusquement dépouillé du peu d'humanité qu'il avait. Il était libre.
En reniflant une feuille, il savait exactement où la proie se trouvait, et tout son corps était devenu une des pires bêtes qu'on peut imaginer. Le meilleur des prédateurs de la forêt.
Il se déplaçait en silence comme le vent, et il foudroyait vite comme un éclair.
Il a rapporté des centaines de carcasses de chevreuils à la maison comme ça.
Pour les ours, il les tuaient à la hache, car ils sont assez lents et que les flèches ne suffissent pas.
Pour les porcs-épics, c'était drôlement plus simple. Il fallait veiller l'automne près des pruniers. Les porcs-épics sont nocturnes. Ils aiment bien les pommes et les prunes. Amédée bondissait des buissons comme une ombre, courait 3 pas et le porc-épic était décapité d'un seul geste.
Amédée avait fait ce qu'il pouvait faire de mieux, et il l'a fait mieux que personne d'autre.
Amédée était heureux.
Amédée avait environ 30 ans quand l'école de son village prit feu.
Amédée n'avait jamais été à l'école mais on le vit plonger dans l'incendie. Il ressortit du brasier en poussant le piano dehors. Amédée avait sauvé le piano, puis il s'écroula au sol, le corps fumant à moitié brulé.
Quand on tenta de l'aider, Amédée s'est relevé et a poussé un hurlement si monstrueux qu'il a glacé le sang de tout les gens du village. Puis on le vit s'enfuir vers la forêt, clopinant. On ne le revit plus jamais.
À Deschaillons, une famille qui habite maintenant dans une vielle maison disent qu'ils trouvent souvent des carcasses de chevreuils ou d'ours devant la porte, des carcasses de porc-épic aussi en automne. Ils connaissent la légende d'Amédée et ils y croient.
Quelqu'un joue du piano dans cette maison.
Amédée sera toujours en vie, car il fait partie de vous maintenant.
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Recette
La viande de porc-épic c'est meilleur que de l'agneau. Mais elle très difficile à obtenir. Ils sont faciles à tuer si on sait veiller près d'un arbre fruitier dans une forêt. Mais après il faut les nettoyer. Ça prend 30 minutes par carcasse environ.
Un gros porc-épic fait environ 10 kg, mais sa carcasse en fera surement moins de 4 et la moitié sera en os. Vous aurez environ 2 kgs de viande par porc-épic.
Il faut de 7 kg de carcasse de porc-épic pour faire 18 pots de 500 ml de ce ragoût. Vous aurez aussi pas loin de 10 litres d'un bouillon tout à fait unique aussi.
Pleumer un porc-épic c'est un peu comme pleumer un lapin. Sauf qu'il y a les aiguilles bien entendu. C'est sage de porter des gants et il faut repousser la peau de l'intérieur en la roulant pour mieux l'agripper. Certains mettent le porc-épic au feu avant, pour bruler les aiguilles. Ça sent très mauvais, et il est tout merdeux après. J'aime pas ça.
Ingrédients :
- 7 kg de carcasse de porc-épic
- Plein d'eau mouillée
- une trentaine de prunes violettes lavées dénoyautées, en cubes
- 4 tomates rouges moyennes en dés
- 3 oignons moyens, hachés
- 4 rabioles (navets blancs) moyens en cubes
- 4 branches de céleri en tronçons
- 3 grosses carottes en épaisses rondelles
- 1/2 c. à s. de poivre noir
- 1/2 c. à s. de thym séché
- 1/2 c. à s. de romarin séché
- 1 c. à thé de sel
- 3 feuilles de laurier moulues
Pour le bouillon :
- 6 ou 7 litres d'eau à ce qu'il restera de bouillon
- les os, bien entendu.
- 2 oignons piqués d'un clou de girofle
- 3 branches de céleri en gros tronçons
- 2 grosses carottes en gros tronçons
- 3 feuilles de laurier
- 1 c à t de thym séché
- 1 c à t de romarin séché
- sel et poivre au goût
Procédure :
Couper les carcasses en morceaux assez petits pour qu'ils s'entassent dans un immense chaudron. Trancher la savoureuse colonne vertébrale avec un couperet de haut en bas.
Bien couvrir avec de l'eau. 4 pouces (10 cm) par dessus.
Porter à ébullition, baisser le feu, couvrir et laisser mijoter une grosse heure.
Vérifier que la viande se détache bien des os.
Retirer les morceaux du bouillon et les laisser tiédir pour mieux les désosser.
On aura amplement le temps ce couper les prunes et les légumes pendant ce temps.
On mélangera les prunes, les légumes et les aromates dans un autre chaudron ou gros contenant. Quand toute la viande sera désossée on en fera des cubes et on va les mélanger aux légumes en malaxant à la main.
On remplis les bocaux du mélange en laissant 1 pouce d'espace sous le goulot.
On couvre du bouillon, à niveau.
Stérilisez 75 minutes à l'autoclave pour les pots de 500 ml.
Ajouter les os et les ingrédients destinés au bouillon dans le gros chaudron. Laisser mijoter pour au moins 2 heures. Laisser tiédir, passer et refroidir pour que le gras fige en surface. Retirer le gras et porter à ébullition.
Stérilisez 35 minutes pour des pots d'un litre.
Au service :
Écraser une gousse d'ail et la hacher menu.
Patienter 10 minutes qu'elle s'oxyde et vous aurez un super aliment qui goute l'ail.
À feu très moyen fondre 1 c. à s. de bon beurre au fond d'une sauteuse.
Y placer l'ail et remuer 2 minutes
Ajouter 1 c. à s. de farine toute souriante et remuez pour faire des grumeaux colorés.
Mouiller du contenu de bocal et remuez en chauffant.
Vous saurez jamais comme c'est bon si vous ne l'assaillez pas.
Je peux en bouffer tout un bocal avec une bonne tranche de pain lourd grillée et beurrée.
Il y a un rêve qui passe entre chaque cheveu quand on bouffe ça.
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